Depuis l’apparition du VIH, les progrès de la recherche clinique ont permis d’améliorer considérablement la qualité de vie des personnes infectées. Et s’il n’existe à ce jour aucun vaccin efficace ni traitement pour guérir du virus, de nouvelles stratégies vaccinales et de rémission continuent d’être explorées.
Depuis plus de quarante ans, la mise au point d’un vaccin efficace contre le VIH semble inatteignable, en raison notamment de la complexité du virus. Dernièrement, la recherche a été confrontée à un autre obstacle majeur : le Covid-19. En effet, si la crise sanitaire a montré que le développement de vaccins prometteurs était possible en l’espace de quelques mois, elle a dans le même temps relégué le VIH à l’arrière-plan des maladies infectieuses prioritaires. Ce qui a entraîné l’interruption ou le ralentissement d’un certain nombre d’essais vaccinaux et d’immunothérapies dans le monde. Stratégies vaccinales, stratégies de rémission, interruptions de traitement : où en sont les recherches thérapeutiques ?
Les stratégies vaccinales
Dans ce qui est devenu un résultat trop familier dans la recherche d’un vaccin contre le VIH, un nouveau candidat a échoué dans une étude à grande échelle. Fin août 2021, le groupe pharmaceutique américain Johnson & Johnson annonçait la fin de l’essai vaccinal Imbokodo. Ce dernier n’ayant « pas fourni une protection suffisante » contre l’infection par le VIH chez les femmes qui participaient à l’essai de phase 2b en Afrique subsaharienne. Mosaico, l’autre vaccin expérimental de Johnson & Johnson, qui mesure également l’efficacité d’un vaccin dit mosaïque [i], mais chez des personnes transgenres et des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, se poursuit néanmoins en Europe et aux États-Unis.
Parallèlement, d’autres essais vaccinaux, qui se concentrent sur différents types d’approches thérapeutiques, sont à l’étude. L’un d’eux, développé par le laboratoire Moderna, utilise l’ARN messager : il consiste à induire des réponses anticorps qui ressemblent aux anticorps neutralisants à large spectre, autrement dit des anticorps anti-VIH très puissants, capables de reconnaître un éventail très large de variants du VIH. Les résultats de cet essai clinique sont attendus courant 2023. « Mais il en est à une étape préliminaire et je pense qu’il faut rester très prudent : il ne s’agit pas d’un vrai effet vaccinal, mais plutôt d’une validation des preuves de concept », souligne Asier Sáez-Cirión, directeur de recherche à l’Institut Pasteur (Paris).
Autre essai en cours, celui de l’Institut de recherche vaccinale de Créteil. Annoncé en février 2021, il repose sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux conçus pour cibler spécifiquement des cellules du système immunitaire appelées « cellules dendritiques ». Les premiers résultats de cet essai de phase 1 devraient être disponibles prochainement.
Les stratégies de rémission
Plusieurs pistes se dessinent autour d’un double objectif, comme le résume le Pr Asier Sáez-Cirión : « Il s’agit, d’une part, de diminuer le nombre de cellules réservoirs [ii] et, d’autre part, de renforcer les barrières, soit en introduisant directement des blocages au niveau de la cellule pour empêcher la réplication de virus, soit par la mobilisation ou l’amélioration de la réponse immunitaire, afin de contrer les quelques cellules infectées encore présentes dans l’organisme. »
Parmi les stratégies de rémission en cours, la plus largement explorée fait appel à des anticorps neutralisants à large spectre – évoqués plus haut dans la stratégie vaccinale –, mais cette fois en utilisation thérapeutique : en plus de les isoler, certains laboratoires ont réussi à les produire à grande échelle et à des niveaux de qualité clinique suffisants. Ces anticorps sont capables de maintenir le virus à un niveau indétectable en l’absence de traitement antirétroviral. D’autres approches visent à améliorer la réponse immunitaire d’une façon plus directe, via des immunothérapies : les anticorps ne ciblent pas le VIH, mais certains récepteurs inhibiteurs à la surface des cellules immunitaires, dont ils bloquent le signal inhibiteur pour activer la réponse des cellules et améliorer leur activité antivirale.
Des travaux de recherche se concentrent, eux, sur la création ou la transformation de cellules en laboratoire. Deux pistes sont explorées. La première revient à transformer les cellules immunitaires de personnes vivant avec le VIH avec des caractéristiques semblables à celles des cellules des contrôleurs du virus [iii], afin de voir si ces cellules sont capables, après modification, de contrôler l’infection. La seconde possibilité consiste à transformer des cellules immunitaires de bonne qualité en cellules chimériques en leur insérant un récepteur qui permet de reconnaître les cellules infectées et de les éliminer.
Enfin, certaines approches impliquent la thérapie génique. L’une d’elles s’inspire des cas de rémission après une greffe de moelle osseuse [iv] : plusieurs laboratoires tentent de transformer les cellules CD4 et d’induire un effet « mutation CCR5Δ32 » pour éviter que le VIH ne se propage. Une autre utilise notamment des ciseaux moléculaires afin de déterminer où le virus est inséré dans le génome de la cellule et de l’éliminer directement. « Ce serait vraiment une solution idéale, mais comme toutes ces stratégies, elle reste pour l’instant à un stade très précoce de développement », reconnaît Asier Sáez-Cirión.
Les interruptions de traitement
L’interruption analytique du traitement (ATI) est un autre élément clé des études cliniques afin d’évaluer l’efficacité des stratégies thérapeutiques qui visent à induire une rémission à long terme du VIH. « Aujourd’hui, nous ne disposons pas des outils qui nous permettent de prouver l’éradication du VIH ou qu’une personne vivant avec le VIH a atteint une rémission, explique Asier Sáez-Cirión. Même chez les personnes en rémission après avoir reçu une greffe de moelle osseuse et chez qui nous ne parvenons plus à détecter le virus après analyse de centaines de millions de cellules, nous ne pouvons pas exclure qu’il ne soit pas encore présent, quelque part dans les tissus. La seule façon de savoir si une stratégie thérapeutique a fonctionné est donc d’interrompre les traitements. Bien entendu, ces interruptions sont très encadrées, avec une équipe clinique, de manière à pouvoir réagir immédiatement en cas de rebond de l’infection. »
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[i] Vaccin capable de protéger contre plusieurs variants du VIH. Ce dernier combine des morceaux d’une grande variété de souches de VIH en une seule injection afin de susciter une réponse immunitaire plus large.
[ii] Cellules infectées où le virus est présent mais inactif ; on parle aussi de virus à l’état latent.
[iii] Personnes qui maîtrisent le VIH sans la prise de traitement.
[iv] https://www.sidaction.org/sinformer/transversal/articles-vih-sida/1212-Patient-de-Berlin-pourquoi-la-greffe-de-moelle-ne-fonctionne-pas-pour-tous-les-patients-