vih VIH pédiatrique : la bataille n’est pas encore gagnée

10.07.20
Nora Yahia
8 min

Le VIH pédiatrique reste un problème de santé publique majeur dans les pays à revenu faible ou modéré. Diagnostique tardif, accès limité aux traitements, problème de suivi clinique sont autant d’obstacles à surmonter pour enrayer cette épidémie. Au cours d’une session dédiée, Martina Penazzato (OMS) a souligné la nécessité urgente de combler les lacunes persistantes dans la prévention et le traitement du VIH chez les enfants.

Au cours de ces dix dernières années, beaucoup d’efforts ont été mis en place pour prévenir la transmission de l’infection de la mère à l’enfant et réduire le nombre de cas de VIH pédiatrique. En 10 ans, le nombre de nouvelles infections pédiatriques a diminué de 52%[i]. En 2019, la couverture antirétrovirale chez les femmes enceintes était de 85%. Certains pays ont même réussi ou se rapprochent d’une élimination de la transmission mère-enfant du VIH. Malheureusement, les efforts menés n’ont pas permis d’aboutir aux objectifs fixés pour 2020 : réduire le nombre d’enfants nouvellement infectés à moins de 20 000 par an. En réalité, 2019 a comptabilisé 150 000 nouvelles infections chez les enfants (< 15 ans)[ii]. Que reste-t-il à faire pour arriver à un futur exempt d’enfant vivant avec le VIH ? Martina Penazzato, en charge du programme de VIH pédiatrique à l’OMS a apporté des éléments de réponse.

Dépistage tardif et faible accès au ARV

Sur les 400 enfants nouvellement infectés chaque jour, 260 meurent de maladies liées au sida, révélant une grande disparité dans les taux de mortalité par rapport aux adultes. En cause, un manque d’accès aux soins, que ce soit pour le dépistage ou le traitement, dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Alors que l’on sait qu’un diagnostic précoce suivi d’une mise sous traitement rapide est crucial pour lutter efficacement contre le VIH, 40% des nouveau-nés exposés au VIH ne sont pas testés dans les deux premiers mois de leur vie. L’accès adapté aux traitements reste aussi un problème. Sur les 1.8 millions d’enfants vivant avec le VIH à travers le monde, seulement la moitié reçoit un traitement ARV. Et parmi ceux sous traitement, seul un tiers réussira à avoir une charge virale indétectable. La crise du Covid-19 n’a pas arrangé les choses. Les mesures sanitaires mises en place pour lutter contre ce nouveau virus ont malheureusement conduit à des ruptures de soin. Les femmes et leurs enfants, par peur ou manque d’un moyen de locomotion, n’ont pu se rendre dans les centres de santé pour se faire dépister ou accéder aux soins. En outre, le dépistage du Covid-19 a pris les ressources en temps et matériel dévoyées au VIH. Les répercussions de cette pandémie à Coronavirus vont apparaitre dans un futur proche. Une modélisation de l’impact du Covid-19 sur les infections VIH pédiatriques montre une augmentation de 86% des nouvelles infections chez les enfants pour 2020, ce qui ramènerait aux chiffres de 2014.

Agir, comprendre, innover

Pour réussir à aller vers un futur sans VIH pédiatrique, le mot d’ordre est l’action. Il faut implémenter ce que l’on sait faire, en se basant sur les programmes existants et qui fonctionnent. Mais il faut aussi apprendre de la recherche opérationnelle, pour mieux appréhender comment combiner les approches pour de meilleurs résultats et comment les mettre à l’échelle de la population. Pour le Dr Penazzato, pour arriver au but fixé la manière de délivrer ces interventions est aussi importante que l’intervention en elle même. Elle a cité en exemple, une recherche opérationnelle menée au Zimbabwe, testant une nouvelle approche pour fournir des services liés au VIH aux adolescents. Cet essai a montré que les services administrés aux adolescents par leurs pairs conduisaient à une amélioration de la suppression de la charge virale. Ce modèle est maintenant adopté dans une majorité de pays d’Afrique subsaharienne. Selon elle, ce type de recherche doit être plus largement mené pour identifier de nouvelles solutions.

Bien sûre, il ne faut pas oublier d’innover pour améliorer les offres de dépistage et de thérapie pour les enfants qui devront vivre avec un traitement toute leur vie. L’utilisation de nouveaux outils permettant un diagnostic et une prise en charge plus rapide doivent être mis en place. L’emploi de tests rapides donnant un résultat en quelques heures, permet une initiation précoce du traitement, ce qui apporte un bénéfice certains pour lutter contre le virus et préserver la santé des enfants. Une étude récente, présentée à la conférence, a ainsi révélé qu’une initiation du traitement avant l’âge de six mois chez les enfants infectés par voie verticale, réduisait la taille du réservoir et prévenait le vieillissement prématuré des lymphocytes T CD4. Pour que cela puisse réellement fonctionner et être efficace, il faut cependant que ces deux approches soient combinées.

Des traitements plus adaptés

Un des problèmes majeurs pour les enfants vivants avec le VIH est le manque d’accès à un traitement adapté à leur croissance. Par le passé, il est arrivé que des enfants reçoivent des traitements pour lesquels ils étaient résistants (cas de la niravapine), ou des formulations non adaptées à leur âge (cas du lopinavir-ritonavir). Un grand travail d’optimisation des ARV a été réalisé, pour développer des formulations adaptées à chaque stade de croissance, qui soient bien tolérées et évitant l’apparition de résistance. Ce travail a porté ses fruits, puisqu’une formulation dispersible du dolutegravir, pour une utilisation chez les enfants à partir de trois kilos, vient d’être approuvée par l’agence américaine des médicaments. Des formulations pédiatriques sont actuellement en développement pour le ténofovir et le darunavir.

En termes d’innovation thérapeutique, ces dernières années ont vu l’arrivée des traitements à longue durée d’action ou des anticorps neutralisants à large spectre pour les adultes. Malheureusement ces thérapies ne sont pas encore adaptées au cas pédiatrique. Pourtant le besoin est là. Les traitements à longue durée d’action peuvent en effet être bénéfiques pour les adolescents qui rencontrent des problèmes d’adhérence à leur trithérapie quotidienne. L’enjeu majeur est de rendre ces thérapies accessibles aux enfants et adolescents plus rapidement que ce qui est fait maintenant. Des groupes de travail ont vu le jour pour répondre à ces besoins, à l’instar du GAP-f [iii] (Global Accelerator for Paediatric Formulations) dont l’objectif est de promouvoir une approche plus rapide, plus efficace du développement de formulations pédiatriques. Un pipeline de nouvelles formulations est à l’étude pour développer des traitements sous forme de patch ou injectable. Mais il faudra encore patienter avant de voir leur commercialisation.

Une approche de santé globale

Le dépistage et le traitement ne sont pas les deux seuls facteurs sur lesquels il faut agir pour améliorer la vie des enfants et adolescents vivant avec le VIH. Il ne faut pas seulement se focaliser sur l’obtention d’une charge virale indétectable, mais également veiller à leur qualité de vie. Pour cela une approche de santé plus globale doit être mise en place. 30% des enfants et adolescents présentent encore une forte immunodéficience et sont donc sujets à des co-infections (tuberculose, pneumonie). Les acteurs en première ligne doivent être équipés avec les outils adéquats pour rechercher, traiter et prévenir ces co-infections qui causent encore le décès de nombreux enfants.

Mais ce n’est pas tout. Il faut aussi veiller à leur bien être physique et mental. Le personnel dédié au soin de ces enfants et adolescents, doit pouvoir s’assurer qu’ils ont les apports nutritifs dont ils ont besoin. Ils doivent pouvoir évaluer leur état psychologique, notamment à l’adolescence et pouvoir les aider ou les rediriger vers des services compétents. Les associations jouent un rôle central dans l’accompagnement des enfants et adolescents. Elles développent des actions de pairs-éducateurs pour renforcer l’adhérence aux traitements et aborder les questions de santé sexuelle. Pour répondre au mieux aux besoins de ces enfants et adolescents, le personnel en charge doit pouvoir avoir accès à des outils et des formations adaptés.

Notes

[i] https://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/start-free-stay-free-aids-free-2020-progress-report_en.pdf

[ii] https://www.unaids.org/en/resources/fact-sheet

[iii] http://gap-f.org/#

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