« On peut mieux préparer les adolescents, lesquels sont toujours confrontés à de nombreux obstacles, à commencer par la stigmatisation. Il faut aussi qu’ils prennent conscience qu’il y a une vie après le VIH », expliquait Joséphine, 34 ans, séropositive depuis sa naissance, au 9e Atelier consacré au VIH pédiatrique1. Son témoignage a résumé l’enjeu essentiel de cette rencontre qui réunissait plusieurs dizaines de chercheurs de la communauté internationale : l’accompagnement des enfants nés séropositifs.
Une meilleure prise en charge thérapeutique et les programmes de prévention mis en œuvre ont permis une réduction de 47 % des transmissions du VIH entre 2010 et 2016, selon l’Onusida. Malgré ce résultat, on déplore toujours près de 160 000 contaminations par an et l’on estime aujourd’hui que « 2,1 millions d’enfants de moins de 15 ans vivent avec le VIH dans le monde, comme le rappelait Claude Mellins, psychologue clinique à l’université de Columbia (États-Unis). Des enfants qui deviendront des adolescents. » Parmi eux, 79 % vivent en Afrique subsaharienne, où, comme le notait le Dr Marcel Yotebieng, impliqué dans le programme américain Pepfar, « les progrès en diagnostics et en traitements ne sont pas uniformes »2.
Obstacles à « vivre avec »
Les enjeux ont été fixés par l’OMS, qui recommande, notamment dans les pays les plus exposés, de mettre en œuvre des programmes Adolescent friendly, qui permettent à ces jeunes de contourner les nombreux obstacles dont témoignait Joséphine. Le premier de ces obstacles à la prise en charge et à l’observance des traitements est bien sûr la peur de la stigmatisation. La chercheuse britannique Marija Pantelic, de l’université d’Oxford, a montré, à travers une étude menée auprès d’adolescents sud-africains, que « la stigmatisation influe sur la qualité de vie et constitue une barrière aux traitements et à la prévention en maintenant les enfants dans l’ombre ». Les équipes qui les prennent en charge doivent ainsi tenir compte des contraintes susceptibles de freiner l’observance des traitements, comme « la peur de manquer l’école », souvent éloignée des centres de soins, le problème de l’accessibilité des traitements ou le besoin d’un soutien communautaire. Certains acteurs insistent aussi sur la prise en compte de la situation psychique des jeunes adolescents, dont une partie a grandi sans parents. D’autres soulignent l’importance de « la responsabilisation » de ces jeunes, qui devront bientôt assurer eux-mêmes la poursuite de leurs soins.
Leur prise en charge nécessite de se projeter systématiquement dans l’avenir. « Avec eux, il est important de tenir compte de ce qu’ils vont devenir », expliquait la pédiatre française Catherine Dollfus, responsable de l’unité VIH hématologie et pédiatrie à l’hôpital Trousseau (Paris), soulignant l’importance d’une approche systématiquement « pluridisciplinaire ». La pédiatre a également évoqué l’intérêt du groupe dans la prise en charge, rappelant la création, au début des années 2000, de l’association Adovih, lieu du « partage de l’expérience » entre les jeunes adultes et leurs cadets.
Enfin, à l’instar de plusieurs de ses collègues, Catherine Dollfus a insisté sur la nécessité de « promouvoir une recherche spécifique sur les adolescents. » afin de limiter le risque d’échec thérapeutique, encore bien trop fréquent dans les pays où ils sont les plus exposés.
1 – La synthèse des exposés de ce 9e Atelier peut être consultée en ligne : regist2.virology-education.com/Abstractbook/2017_7.pdf
2 – Les inégalités d’accès aux traitements en Afrique ont été mesurées dans le cadre de la cohorte Cipher, présentée lors des ateliers par Marcel Yotebieng.