Afin de répondre aux inquiétudes soulevées par l’exploitation des connaissances scientifiques et médicales relatives au VIH dans un contexte de poursuites criminelles, plusieurs grands experts de la recherche sur le VIH, dont Françoise Barré-Sinoussi, institut Pasteur (également présidente de Sidaction, NDLR) se sont concertés pour rédiger une Déclaration de consensus, publiée le 25 juillet 2018 dans le journal de l’International AIDS Society.
Approuvée par plus de 70 scientifiques, issus de 46 pays différents, ainsi que par l’International AIDS Society, l’International Association of Providers of AIDS Care et l’ONUSIDA, cette démarche souhaite mettre à disposition des données scientifiques décisives et indiscutables, afin de répondre à plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord de guider les différents experts sollicités pour apporter un témoignage scientifique dans des affaires pénales liées au VIH, mais également de faire en sorte que les gouvernements, comme les acteurs du système judiciaire, puissent garantir une application de la loi basée sur une compréhension totale des données scientifiques actuelles sur le VIH.
A travers le monde, plusieurs personnes sont poursuivies pour non-divulgation, exposition ou transmission du VIH, sans avoir pourtant eu l’intention de causer un préjudice, sans avoir transmis le virus ou dans des cas de transmission hautement improbables.
Ce texte présente donc une analyse des dynamiques de transmission du VIH, des conséquences à long terme d’une infection au VIH et des preuves phylogénétiques utilisées pour déterminer la transmission du VIH. Ces connaissances y sont détaillées dans un contexte pénal, permettant ainsi de mieux déterminer la possibilité d’une transmission du VIH, la mesure d’un préjudice ou la pertinence des preuves apportées de la transmission. Elles s’appuient sur une approche individuelle des risques de transmission du VIH, et sur les actes spécifiques qui y sont généralement liés dans un contexte judiciaire : rapport sexuel, morsure ou crachement.
La Déclaration fait ainsi le point sur les connaissances acquises depuis le début de la recherche sur le VIH, rappelle que les possibilités de transmission dépendent d’un continuum de risques et de facteurs croisés (charge virale, utilisation d’un préservatif, pratiques de réduction des risques, etc.) et réaffirme plusieurs informations-clés.
Il est, par exemple, rappelé que la possibilité de transmission du VIH lors d’un acte sexuel vaginal, anal ou oral est nulle lorsqu’un préservatif intact a été utilisé ou lorsque le partenaire séropositif a une charge virale indétectable. Il est également dit que la possibilité d’une transmission du VIH lors d’un rapport sexuel, vaginal ou anal varie de faible à nulle, et de négligeable à nulle lors d’un rapport sexuel oral. Il n’y a aucune possibilité de transmission du VIH par contact avec la salive (même si celle-ci contient un peu de sang), et dans le cas d’une morsure, cette possibilité varie de négligeable à nulle. Concernant le préjudice, il est noté que les personnes vivant avec le VIH et ayant accès aux thérapies antirétrovirales modernes ont désormais une espérance de vie équivalente à celle des personnes séronégatives. En matière de preuve de la transmission, il est enfin formellement mentionné que l’analyse phylogénétique ne peut pas démontrer de façon probante l’allégation selon laquelle un défendeur aurait infecté un plaignant. Elle peut, par contre, être en mesure de disculper un accusé, si les résultats excluent la possibilité que le défendeur soit à la source de l’infection dont il est soupçonné.
Le texte est disponible dans son intégralité, en français, ou en anglais.